Union européenne – « N’est pas le général de Gaulle ou Margaret Thatcher qui veut », écrivait Jean Quatremer dans Libération vendredi matin, après le sommet européen de jeudi où le Polonais Mateusz Morawiecki et le Hongrois Viktor Orbán ont retiré leur veto et approuvé avec leurs homologues européens le cadre financier pluriannuel 2021-27 et le plan de relance « NextGeneration EU ». À la différence de la France des années 60 et du Royaume-Uni des années 80, la Pologne et la Hongrie sont deux gros bénéficiaires nets des fonds européens, et la tentation était trop forte de ne pas prendre le risque de voir s’assécher la manne européenne en attendant que les 25 autres pays et le Parlement européen finissent par céder et retirent le nouveau mécanisme d’état de droit. Ce mécanisme, s’il n’est pas censuré par la Cour de Justice de l’UE, permettra de suspendre les fonds versés à un pays membre si le non-respect supposé de l’état de droit et des valeurs et principes énumérés en termes généraux à l’article 2 du Traité sur l’Union européenne fait peser un risque sur les intérêts financiers de l’UE.
D’aucuns au Parlement européen et au Conseil interprètent déjà cela comme la possibilité de sanctionner un pays qui refuserait par exemple d’accorder les privilèges exigés par le lobby LGBT puisque cela voudrait dire que les fonds européens sont utilisés pour des politiques potentiellement discriminatoires. Un des représentants de cette interprétation très idéologique, c’est le Français Clément Beaune, secrétaire d’État aux Affaires européennes, qui a annoncé son homosexualité au monde dans le magazine Têtu sorti mercredi dernier. Beaune considère, ainsi qu’il l’a confié à Têtu, que sa sexualité lui confère une « responsabilité supplémentaire » pour se battre contre « l’homophobie d’État » en Pologne et en Hongrie. Outre cela, notre secrétaire d’État aux Affaires européennes annonce qu’il se rendra en Pologne début 2021 pour aller « soutenir une de ces associations qui défendent le droit à l’avortement ».
Alors certes, le compromis élaboré par la présidence allemande du Conseil pour obtenir le retrait du véto polonais et hongrois stipule bien que le mécanisme d’état de droit ne pourra pas être utilisé en matière de politique familiale ou d’immigration et qu’il ne sera utilisé que de manière objective, apolitique, et uniquement en cas de lien direct entre une violation de l’état de droit et une utilisation incorrecte avérée des fonds européens. Mais le problème, c’est que les conclusions du Conseil européen concernant ce mécanisme ne sont rien d’autre qu’une déclaration d’intention, sans valeur légale. Ce qui compte, c’est le contenu du règlement adopté en novembre par le Parlement européen et le Conseil de l’UE, et ce règlement est laissé intact, ce dont se sont réjouis jeudi soirs ses promoteurs au Parlement européen. Seule concession importante en faveur de Varsovie et Budapest : tant que la CJUE ne se sera pas prononcée sur la légalité du nouveau mécanisme à la lumière des traités européens, la Commission ne pourra pas l’actionner. Les deux capitales ont donc obtenu un répit d’un an ou deux, mais le fait est que ce mécanisme antidémocratique, qui porte en lui un important transfert de souveraineté, entrera bien en vigueur si les juges non élus – et souvent militants eurofédéralistes – de la CJUE en décident ainsi.
Article originellement publié dans Présent.