Hongrie – Lorsqu’on évoque la tragédie de la déportation des Allemands d’Europe centrale et orientale après la Seconde Guerre mondiale, on pense essentiellement aux décrets Beneš et à l’expulsion des trois millions d’Allemands des Sudètes et des neuf millions d’Allemands de Silésie, Poméranie et Prusse orientale expulsés par la Pologne et l’Union soviétique. Dans le cas de la Hongrie, il ne s’agit pas des habitants de provinces conquises ou reconquises, mais d’une partie de la minorité allemande établie d’assez longue date dans le pays.
Les Souabes de Hongrie sont les descendants d’immigrés et de colons allemands qui se sont installés dans le pays entre 1689 et 1740, en grande partie dans le cadre d’un programme de repeuplement, principalement en Transdanubie (Esztergom, Pest, Fejér, Veszprém, Komárom, Győr), dans l’Alföld (Szabolcs, Békés, Hajdú-Bihar, Bács) et dans le massif du Nord (Hont, Heves, Zemplén). Ils étaient essentiellement originaires d’Allemagne du Sud (Souabe, Bavière, Lorraine, Alsace, Palatinat, Autriche) et de Saxe, d’où leur appellation de Souabes (Sváb) en Hongrie et de Saxons en Transylvanie. On en comptait jusqu’à un million et demi dans l’ensemble du royaume de Hongrie avant la Première Guerre mondiale. La plupart de ces Allemands ethniques se sont installés après la reconquête des territoires hongrois sur l’empire ottoman courant XVIIIe siècle, alors que les villages hongrois avaient été dépeuplés par la Grande Porte. Les Bavarois et Wurtembergeois ont constitué l’essentiel des Souabes du Danube, aussi appelés Allemands du Danube, réputés pour leur artisanat, leur connaissance de la viticulture et leur réseau commercial danubien faisant le lien entre le sud des pays allemands et la Hongrie.
Environ 200 000 Souabes déportés entre 1946 et 1948
Alliée de l’Allemagne pendant la guerre, la Hongrie s’est retrouvée après 1945 – comme tous les autres pays d’Europe centrale et orientale – dans la zone d’influence soviétique et c’est ainsi que les dirigeants communistes hongrois ont – au nom d’une « responsabilité collective » de tous les Allemands pour les crimes commis par le régime national-socialiste – entrepris de déporter environ 200 000 Souabes entre le 19 janvier 1946 et le mois de juillet 1948. La plupart d’entre eux furent accueillis par la Bavière et l’Autriche où leurs enfants et petits-enfants résident aujourd’hui. De nos jours, les Allemands de Hongrie sont environ 130 000 (recensement de 2011), et la plupart son assimilés culturellement et linguistiquement, bien que depuis le changement de régime la place des identités culturelles et ethniques aient repris de l’importance, et qu’en de nombreux endroits des associations culturelles ou cultuelles renforcent l’identité souabe ; en vertu de la législation hongroise sur les minorités nationales (vraisemblablement la plus généreuse d’Europe !) ils bénéficient d’une large autonomie culturelle dans de nombreuses communes dont la ville de Sopron (Ödenburg) à la frontière autrichienne et un siège leur est réservé d’office au parlement hongrois. Ce siège est actuellement occupé par Imre (Emmerich, en allemand) Ritter, qui a le droit de s’exprimer en allemand au parlement national.
Une « perte irréparable » pour la Hongrie
En 2013, le parlement hongrois a instauré le jour symbolique du 19 janvier – date à laquelle les expulsions ont commencé en 1946 dans la petite ville ville de Budaörs (Wudersch) dans la banlieue ouest de Budapest – comme journée nationale du souvenir de la déportation des Allemands. Ainsi, hier, le premier ministre hongrois Viktor Orbán et le député Imre Ritter ont déposé ensemble une couronne de fleurs devant une plaque commémorative située devant la gare de Budaörs tandis que le secrétaire d’État aux communications et relations internationales, Zoltán Kovács, qualifiait la déportation des Souabes (1946-1948) de « perte irréparable » pour la Hongrie. Le maire de Budapest, Gergely Karácsony (Verts, opposition) a également rendu hommage aux victimes de ces expulsions : « Nous leur devons, ainsi qu’aux générations futures, un acte de commémoration et une patrie commune où de tels actes ne peuvent être répétés ».