Par Gábor Tóth, président de l’association Gateway to Europe V4-China.
Article publié à l’origine en anglais sur GLOBS.
Europe centrale, Hongrie, Chine – Shanghai est devenue le centre d’attention de la deuxième semaine de novembre : il s’y est tenu la première exposition internationale sur l’importation chinoise (China International Import Expo) à laquelle ont participé plus de 2.800 entreprises de 130 pays et régions du monde. La Hongrie était l’invitée d’honneur parmi quelques grands pays tels que le Royaume-Uni, la Russie et l’Allemagne. Les entreprises hongroises ont fait la promotion de leurs produits tandis que les politiciens ont ouvert la voie à une coopération harmonieuse.
C’est une réussite importante pour la diplomatie hongroise, car nous étions le seul pays de la région d’Europe centrale et orientale à avoir été convié à faire partie des invités principaux. Pendant plusieurs jours, la presse hongroise a analysé tous les avantages de cette exposition historique, louant des relations entre la Hongrie et la Chine qui n’ont jamais été aussi fortes au cours de nos 70 années de coopération officielle.
Cependant, un événement d’une importance encore plus grande s’est déroulé juste après le retour de M. Viktor Orbán, Premier ministre hongrois, de Shanghai ; un événement que la presse n’a pas beaucoup traité, peut-être parce que ce n’était pas aussi spectaculaire que celui s’étant déroulé en Chine.
Les dirigeants des 16 + 1 (PECO + Chine, ndlr) banques centrales se sont rencontrés à Budapest pour renforcer leurs liens dans le domaine de la finance, ouvrant ainsi un nouveau chapitre des relations entre les PECO et la Chine. M. Orbán a prononcé un discours contenant certaines réflexions qu’il convient de noter car elles sont visionnaires.
C’était la première fois que les banquiers centraux des seize pays d’Europe centrale et orientale et de la Chine tenaient une conférence conjointe.
« Les dix dernières années ont prouvé que la montée de l’économie chinoise n’était pas un phénomène temporaire. La Chine sera une étoile fixe dans les années à venir et restera un acteur majeur de l’économie mondiale pendant très longtemps, » a déclaré le Premier ministre.
Il a en outre noté qu’en plus les relations historiques et géographiques, des relations économiques naîtront également entre les deux pôles de pouvoir émergents : la Chine et l’Europe centrale. Les deux régions seront de plus en plus connectées.
« Il ne s’agit de rien de moins que de la Chine et l’Europe centrale faisant partie d’une seule région géographique contiguë, » a poursuivi M. Orbán, ajoutant que, par chemin de fer, il est possible de voyager, et de transporter des marchandises entre la Chine et les PECO en deux semaines. Si nous parvenons à établir une liaison ferroviaire rapide entre les ports grecs et le reste de l’Europe, ce voyage sera encore plus rapide.
Il existe cependant un problème majeur qui rend la construction de l’Eurasie plus difficile qu’elle ne devrait être. Le piège émotionnel et idéologique dans lequel se trouvent certains pays d’Europe occidentale. Cependant, tout le monde comprendra in fine que nous devons adopter une approche sans idéologie de la Chine. Nous devons accepter le fait que nous sommes différents, que nous organisons nos vies différemment et que nous menons nos pays de différentes manières.
En ce qui concerne la Hongrie, le volume des échanges commerciaux entre nous et la Chine avoisine les 70 milliards de dollars et son taux de croissance est stupéfiant, se situant en moyenne à 10% ; et il a augmenté de 18% au cours des trois premiers trimestres de 2018.
Le Premier ministre a également souligné le fait qu’il était de plus en plus probable que nous devions nous préparer à ce que le dollar perde son monopole dans le commerce mondial. Ceci est une déclaration à ne pas prendre à la légère.
Eh bien, les Hongrois prennent cela au sérieux, ce qui se reflète également dans notre politique monétaire. Orbán a déclaré à son auditoire: « Lorsque nous émettrons des obligations à l’étranger, nous le ferons en direction de l’Est et nous travaillerons à créer la possibilité que le yuan soit la devise dans laquelle le commerce bilatéral est réglé ». Le lecteur comprendra aisément pourquoi je crois que cet événement, avec ce discours, est plus important que l’exposition de Shanghai.
Mais ce n’est pas tout : selon des analyses – en partie hongroises et en partie internationales – qui se trouvent sur le bureau du Premier ministre, la probabilité d’une autre crise imminente est de 70%. Ils affirment que nous devrions nous attendre à un déclin économique de nature non spécifiée : inférieur à la crise de 2008, mais presque certain d’arriver. Cela rend d’autant plus essentiel pour la Hongrie de rester droite dans ses bottes et de s’en tenir à sa politique d’ouverture à l’Est.
Si nous voulons vraiment construire l’Eurasie, nous devons mettre en œuvre des développements majeurs, principalement des infrastructures, car nous devons relier la Chine, l’Europe centrale et les Balkans à un réseau unique : un réseau à l’échelle mondiale.
La Hongrie est encore une fois en première ligne de l’Histoire. Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère et nos amis d’Europe centrale peuvent nous faire confiance et faire appel à nous pour construire une coopération avec la Chine. Après tout, nous devons bien faire quelque chose comme il faut, car nous sommes le seul pays au cœur de l’Europe à bénéficier de l’attention particulière et d’un partenariat politique stratégique avec le géant asiatique. La construction d’une Eurasie véritablement unitaire dépendra de la manière dont les pays de l’Europe centrale et orientale trouveront enfin un terrain d’entente et travailleront ensemble pour faire de leur aventure commune sur la Nouvelle Route de la Soie un succès futur.
Traduit de l’anglais par le Visegrád Post.