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Pologne : bilan de l’année 2019

Temps de lecture : 5 minutes

Par Olivier Bault.

PologneDeux élections gagnées par le PiS, des résultats économiques insolents, une offensive généralisée du lobby LGBT et un conflit avec Bruxelles qui n’en finit pas.

Après la victoire en demi-teinte du PiS et de ses alliés aux élections municipales et régionales de l’automne 2018, l’opposition polonaise comptait sur l’année 2019 pour chasser le parti de Jarosław Kaczyński du pouvoir. Les élections européennes de mai, censées être plus favorables à la gauche et aux libéraux car intéressant moins les « eurosceptiques » et l’électorat rural, devaient servir de tremplin. Manque de chance, le PiS est arrivé largement devant la « Coalition européenne » réunissant les libéraux, la gauche post-communiste et le parti agraire (qui avait gouverné la Pologne aux sein de la coalition dirigée par les libéraux de la Plateforme civique de 2007 à 2015). Une raison de cette défaite de l’opposition a probablement été son virage à gauche sur le plan sociétal, initié par le maire de Varsovie (Plateforme civique, PO) avec sa très controversée « Déclaration LGBT+ » qui a marqué en février le début d’une grande offensive du lobby LGBT en Pologne. Une offensive qui s’est d’ailleurs accompagnée d’une autre contre l’Église, avec des médias de gauche qui se sont mis à agiter d’anciennes affaires de pédophilie réelles, comme dans le film documentaire « Surtout ne dis rien à personne », ou inventées. Cette offensive avait en réalité démarré à l’automne 2018 avec la sortie du film de fiction violemment anticlérical « Le Clergé » qui a fait l’objet d’une action de rabattage médiatique inédite.

Après la défaite des Européennes, la « Coalition européenne » s’est séparée en formant trois blocs : les libéraux ont maintenu le cap libéral-libertaire au sein de la Coalition civique conduite par la Plateforme civique qui avait gouverné avec le PSL de 2007 à 2015, la gauche a viré encore plus à gauche (au sens social et surtout sociétal) et le PSL a repris une orientation plus conservatrice et plus proche des valeurs chrétiennes.

Ceci n’a toutefois pas empêché la coalition « Droite unie » conduite par le PiS de remporter largement les élections législatives du 13 octobre. Il faut dire qu’il a bénéficié de plusieurs facteurs favorables. L’un d’eux était toujours et encore la radicalisation perçue par les électeurs du côté des libéraux très impliqués dans la défense des marches LGBT très nombreuses en 2019 en Pologne et aussi particulièrement agressives vis-à-vis des catholiques, ce qui a permis au PiS de se poser en défenseur de l’identité polonaise, de la famille et des valeurs chrétiennes. Parlant de l’offensive idéologique en cours en Pologne, l’archevêque de Cracovie a fait jaser dans les médias internationaux en août quand il a évoqué dans un prêche la « peste arc-en-ciel » qui avait remplacé la « peste rouge » sur les bords de la Vistule. L’année s’est d’ailleurs conclue par une résolution du Parlement européen critiquant la Pologne pour sa résistance à l’idéologie LGBT très en vogue à Bruxelles.

Un autre facteur qui a favorisé le PiS, c’est la santé insolente de l’économie et la très bonne tenue du budget malgré les politiques sociales généreuses (à l’échelle polonaise) du PiS. Petite ombre au tableau économique, mais qui n’apparaît qu’en ce début d’année 2020, l’inflation annuelle a atteint 3,4 % en décembre, ce qui est un niveau qui n’avait pas été vu depuis 2012. Du fait d’un taux de chômage qui n’avait jamais été aussi bas depuis la transition à l’économie de marché de 1989-90, à 3,1 % de la population active au 3e trimestre 2019 selon les critères Eurostat, et à 5 % en octobre 2019 selon le mode de calcul polonais (GUS), l’immigration de travail a continué d’augmenter l’année dernière avec plus de 665.000 travailleurs étrangers cotisant à la Sécurité sociale polonaise (ZUS) à la fin du troisième trimestre contre 569.000 un an plus tôt. Ces étrangers sont très majoritairement des Ukrainiens (près de 500.000 cotisants à la fin du troisième trimestre 2019) et ces statistiques ne couvrent bien entendu que le travail déclaré,le nombre total d’Ukrainiens en Pologne étant estimé à quelque part entre un et deux millions.

Nombre d’étrangers cotisant au ZUS

De ce fait, la Pologne reste de loin le pays de l’Union européenne qui délivre le plus de permis de séjour. Les données Eurostat publiées en 2019, portant sur l’année 2018, montraient que, comme en 2017, la Pologne est le premier pays européen en termes de premiers permis de séjours délivrés pour tous les motifs confondus tout en comptant pour largement plus de la moitié en ce qui concerne ceux délivrés pour le travail. En tout, 635.000 premiers permis de séjour ont été délivrés par la Pologne en 2018 contre 544.000 par l’Allemagne, 451.000 par le Royaume-Uni, 265.000 par la France, 260.000 par l’Espagne et 239.000 par l’Italie.

Parallèlement, les chiffres publiés en 2019 ont montré que le nombre de Polonais vivant à l’étranger avait légèrement baissé  en 2018 pour la première fois depuis 30 ans à la faveur du Brexit et de la bonne conjoncture en Pologne. Mais ils étaient encore 2,45 millions émigrés polonais en 2018 dont 2,15 en Europe (contre environ 38 millions d’habitants en Pologne).

Par ailleurs l’année 2019 aura été l’année du transfert des conflits initiés sous l’égide de la Commission Juncker sur la ligne Bruxelles-Varsovie de la Commission européenne à la Cour de Justice de l’UE, avec le nouveau Parlement européen et la Commission Von der Leyen qui semblent toutefois ne pas vouloir démériter dans ce domaine. Attendons-nous donc à une année 2020 mouvementée avec la perspective de l’élection présidentielle dans laquelle l’actuel président Andrzej Duda part favori et avec aussi la perspective d’un envenimement des conflits avec Bruxelles exacerbé par l’opposition polonaise elle-même. Chose significative, en 2019, pour la première fois depuis l’adhésion de la Pologne à l’UE en 2004, une étude de la Commission européenne a montré que près de la moitié des Polonais pensaient que leur pays se porterait mieux en dehors de l’Union européenne. Précisons toutefois que cette étude est contredite par d’autres qui montrent que les Polonais restent largement partisans de l’appartenance à l’UE malgré les ingérences insistantes des institutions bruxelloises dominées par la gauche et les libéraux. Pour combien de temps encore ?


Pourcentage de gens qui sont d’accord avec l’affirmation « notre pays pourrait mieux faire face à l’avenir en dehors de l’UE ».

 

Pour en savoir plus sur les réformes polonaises et sur la chronologie du conflit avec Bruxelles : Comprendre la situation politique en Pologne : comment la Pologne a basculé en 2015 dans le « Camp du Mal » (pour Bruxelles et les médias dominants)

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