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La Hongrie face au coronavirus : tour d’horizon de la situation économique

Temps de lecture : 5 minutes

Hongrie – La Hongrie, avec ses 9,8 millions d’habitants, est un pays périphérique du monde occidental, dont l’économie est fortement déterminée par l’agriculture, l’industrie automobile (principalement allemande), le tourisme et les multinationales qui y ont délocalisé une grande partie de leurs bureaux. Des salaires bas et une proximité géographique et culturelle avec l’Occident caractérisent ce petit pays du bassin des Carpates, tout ceci lui permettant une forte croissance économique. Mais les mesures de confinement prises du fait de l’épidémie de Covid-19 ont également frappé le pays.

Le gouvernement conservateur-chrétien de Viktor Orbán a dès le 10 mars mis en place des mesures de « sauvetage des bons résultats hongrois », désireux de garder la main sur une narration de success-story. Bien que le PIB soit un indicateur discutable pour les comparaisons entre pays, le gouvernement hongrois y tient. Ses résultats détonant au milieu du marasme économique européen n’y sont sans doute pas pour rien : 4,9% de croissance en 2019 font de la Hongrie le meilleur élève de l’UE. Mais les nuages noirs s’accumulent au-dessus des prévisions 2020 : les estimations donnaient la croissance hongroise à 4%, mais certaines estimations, comme celle de l’économiste hongrois Zsolt Darvas de l’Institut Bruegel à Bruxelles, annoncent 10% de baisse du PIB au minimum ! La Banque de Dépôt estime, elle, beaucoup plus optimiste, que le PIB chutera de 3,3% seulement, tandis que le FMI s’attend à 3% de baisse. La Bank of America a quant à elle déclaré que la Hongrie serait le pays européen qui résisterait le mieux à la crise, et ses experts pensent même que le PIB hongrois pourrait augmenter de 0,8% cette année. De tels écarts semblent difficiles à comprendre, mais la réalité est que tout le monde tâtonne dans cette situation inédite. Une seule certitude, l’économie hongroise, elle aussi, va chuter cette année – et ses effets se ressentent déjà.

La Hongrie mieux placée pour rebondir économiquement que la plupart des pays européens

Mais la situation avantageuse produite durant ses dix ans de mandat par Viktor Orbán (forte croissance, plein emploi, baisse de la dette nationale à 70% du PIB, libération de la dette envers le FMI, contrôle de l’inflation, …) ainsi que la souplesse relative des mesures prises en Hongrie pour faire face au coronavirus permettent d’espérer que la Hongrie puisse rebondir sereinement. C’est en tout cas l’avis du FMI qui a estimé que la Hongrie serait le pays de l’UE qui résisterait le mieux à la crise et rebondirait en 2021 avec 4,2% de croissance du PIB. Parmi les facteurs positifs considérés par tous les experts, la politique économique des dix dernières années et les mesures prises durant la crise du virus. Les premières mesures des plans de sauvetage économique du gouvernement hongrois ont été annoncées dès le 18 mars, puis complétées le 7 avril. Elles prévoient le déblocage de 9,2 billions de forint (env. 25 Mds €), soit 18 à 20% du PIB national, pour le plan de sauvetage et de relance de l’économie. Refusant tout emprunt à l’étranger, Orbán a mobilisé les banques, les multinationales, les communes et même les partis politiques pour gonfler la caisse servant à l’économie nationale. Parmi les mesures légales, c’est bien entendu un assouplissement radical du droit du travail qui est prévu. La facilitation des passages en contrats à heures partielles par exemple, vise à éviter les licenciements dans les entreprises à activité réduite durablement, l’employeur pouvant réduire le temps de travail de 85%, l’État prenant en charge le différentiel de salaire à 70% pour l’employé.

Ayant ramené le taux de chômage de 11,3% à son retour au pouvoir en 2010 à 3,3% fin 2019, Viktor Orbán tient à sa politique de l’emploi comme pilier de sa politique sociale. Son objectif avoué est « de donner un travail plutôt que des aides ». Une stratégie maintenue dans la crise sanitaire actuelle, alors qu’environ 55 000 personnes ont perdu leur emploi depuis le début des mesures de confinement, et que le taux de chômage est remonté à 4,8%. Sans tarder, Viktor Orbán a réagi à ces chiffres sortis ces derniers jours en promettant « un emploi à tous ceux qui l’ont perdu » d’ici la fin de l’été, c’est-à-dire d’ici la fin des trois mois de chômage accordés par l’État hongrois. Une promesse qui laisse les syndicats dubitatifs et l’opposition inquiète de voir un trop grand usage des travaux d’intérêts généraux. « Tous ceux qui ne trouveront pas un travail sur le marché auront un emploi assuré par l’État », a déclaré l’homme fort de Budapest.

Mesures de soutien à l’économie et début de déconfinement

Enfin, voici les cinq points principaux du plan de Viktor Orbán :

1. Sauver les emplois.
2. Créer des emplois.
3. Soutenir les secteurs du tourisme, de la santé, de l’alimentaire, de l’agriculture, du bâtiment, de la logistique, du transport et du film.
4. Soutenir les entrepreneurs  (des programmes d’aide au crédit sont mis en place).
5. L’aide aux familles et aux seniors.

Globalement, la stratégie orbanienne vise donc l’adaptation de l’économie et du marché de l’emploi hongrois à l’après-Covid-19. Les aides de l’État se concentrent par exemple sur la prise en charge des formations (à hauteur de 95% des coûts pour les formations en informatique par exemple), en mettant en place en parallèle une politique du crédit piloté par l’État avec des taux très faibles – même les étudiants peuvent faire un emprunt de 1.500 € à taux zéro. La fiscalité est également assouplie pour cette année, les remboursements de TVA sont précipités et un grand nombre de charges sont drastiquement réduites jusqu’à l’été.

Les mesures de confinement léger prises par Viktor Orbán permettent également à une partie du secteur des services de ne pas craindre le pire. En effet les commerces n’ont pas eu l’obligation de fermer, par exemple, mais seulement de prendre des mesures de précaution sanitaire et d’aménager leurs horaires, notamment en réservant aux séniors la tranche horaire 9-12h, et en les excluant de la tranche horaire suivante, 12h-15h, avec en revanche l’obligation de fermer à 15h, sauf pour les commerces d’alimentation et pharmacies (où on peut facilement se procurer des masques).

Enfin, ce mercredi, Viktor Orbán a annoncé les premières mesures de déconfinement et de relâche des restrictions, à attendre à partir de la semaine prochaine. Budapest, cependant, déroge à la règle, étant le foyer national d’infection. Mais déjà les terrasses, les piscines et les cafés vont rouvrir en province, tandis que le port du masque va se généraliser et rester obligatoire dans les magasins et les transports, et les seniors seront encore soumis à certaines contraintes pour leur protection.

Au final, la véritable ombre au tableau est le flou autour des petits commerçants et des artisans, des professions libérales et… de ceux qui travaillent au noir. Des catégories qui ne savent pas vraiment à quoi s’attendre et qui, à part les possibilités de crédits avantageux et la fiscalité simplifiée et allégée, ne reçoivent pour le moment pas de soutien concret. Et si les jours prochains laissent présager l’annonce de nouvelles mesures nécessaires pour eux, l’attente et l’incertitude pèsent.

 

Article originellement publié sur Le Club de la Presse, dans la Lettre de Visegrád.

 

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