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Avortement : la Révolution espérée par l’extrême gauche polonaise fait un flop

Temps de lecture : 3 minutes

Pologne – Mercredi soir vers 18h au niveau du rond-point Charles de Gaulle à Varsovie, un petit groupe de manifestants, peut-être une centaine de personnes, occupait la chaussée et bloquait la circulation. L’événement était organisé par la Grève des femmes – Strajk Kobiet -, l’organisation féministe à l’origine des grosses manifestations pro-avortement de la fin octobre-début novembre en Pologne. Une invitation avait été lancée aux antifas et aux entrepreneurs affectés par les restrictions sanitaires pour se joindre à la manifestation, mais l’on voyait surtout dans ce modeste attroupement des masques avec l’éclair rouge de la Grève des femmes et des drapeaux LGBT. La police, sans doute aussi nombreuse que les manifestants, appelait ces derniers à se disperser car aucune manifestation n’avait été autorisée sur la chaussée. Les organisateurs de la micro-manifestation répondaient par mégaphone eux aussi, enjoignant à leur troupes de rester en place. Bilan des courses : un policier blessé et une quinzaine de personnes arrêtées pour atteinte à l’intégrité physique de représentants de l’ordre.

La manifestation était conduite par les deux militantes d’ultra-gauche à la tête de l’organisation féministe « Grève des femmes » : la juriste Marta Lempart et l’écrivain Klementyna Suchanow.

Leurs revendications ne sont pas celles de l’énorme majorité des manifestants descendus dans la rue fin octobre à l’annonce du verdict du Tribunal constitutionnel interdisant les avortements eugéniques. Elles demandent en effet l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, interdite en Pologne depuis 1993 et rejetée par plus des trois quarts des Polonais(es). Mais même l’avortement à la demande n’est pour elles qu’une étape. Dans un long entretien avec le journal de la gauche libertaire Gazeta Wyborcza publié en novembre, elles ne cachaient pas que leur but, c’est la Révolution, avec un grand « R ». « Je n’ai jamais été affiliée à quoi que ce soit », expliquait Suchanow, « mais il y a quelques années j’ai fait la constatation tactique que la Grève des femmes allait changer le monde et j’ai décidé d’être avec cette force. Quand des jeunes ont commencé à nous rejoindre, j’ai su que cette union amènerait le changement. Maintenant, c’est en train de se passer. Putain (sic.), je suis comblée. On a la révolution ! ».

Suchanow est allée un peu vite en besogne en se réjouissant de la révolution en marche après une manifestation record qui avait rassemblée une centaine de milliers de manifestants le 30 octobre à Varsovie. Depuis, le nombre de manifestants a rapidement baissé pour arriver aux mini-manifestations actuelles qui tiennent plus du simple happening. Le Grand Soir polonais n’a pas eu lieu. La convergence des luttes ne s’est pas faite. C’est plutôt une multiplication des luttes qui s’est opérée au sein même du mouvement révolutionnaire porté par l’extrême gauche et soutenu un moment par une opposition libérale qui ne saurait rater une occasion d’affaiblir les conservateurs au pouvoir.

L’été dernier, c’était l’arrestation, pour des faits de violence, du militant LGBT Michał Szutowicz, qui se fait appeler « Margot » ou Małgorzata (Marguerite), qui mettait le feu aux poudres, mais la protestation de rue restaient limitée à la militance LGBT et à quelques sympathisants malgré une résonance complètement disproportionnée dans les médias occidentaux, y compris français.

Michał Szutowicz est l’ancien compagnon de l’actuelle co-leader de la Grève des femmes, Klementyna Suchanow, chez laquelle il a vécu un temps et qu’il accuse aujourd’hui de harcèlement sexuel. Avec sa nouvelle compagne qui se prétend lesbienne puisque « Margot » se prétend momentanément de « genre » féminin, il est à la tête du Collectif Stop aux Bêtises (Kolektyw Stop Bzdurom) qui a fait notamment parler de lui en s’en prenant à une statue du Christ devant une église du centre-ville de Varsovie l’été dernier. Margot se revendique de la mouvance anarchiste queer et veut la révolution comme Suchanow, mais refuse d’être placé avec le Collectif Stop aux Bêtises par le journal Gazeta Wyborcza sur la même liste que les deux co-leaders de la Grève des femmes sur la liste des « 50  courageux » de 2020 pour son engagement contre « l’homophobie, la transphobie et la queerphobie ». « Cette liste contient une personne coupable de violence sexuelle et économique, Klementyna Suchanow de la Grève nationale des femmes », explique Michał-Marguerite, « et aussi Marta Lampart qui fait tout pour balayer cette situation sous le tapis, ainsi que Kaya Szulczewicz qui s’est fait remarquer récemment par ses propos transphobes ».

La révolution a fait un flop et ses enfants se dévorent déjà entre eux.

Mais précisons tout de même que le fameux jugement du Tribunal constitutionnel polonais interdisant les avortements eugéniques n’a toujours pas été publié et n’est donc pas encore en vigueur. Il faudra bien finir par le publier, et le mouvement de protestation pourrait alors repartir.