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Viktor Orbán : « Des propositions dangereuses sont sur la table de l’OTAN »

Temps de lecture : 4 minutes

Hongrie/OTAN – Dans un message vidéo publié sur sa page Facebook le 21 mars, à la suite de négociations avec le président du Conseil européen Charles Michel, le chef du gouvernement hongrois s’est inquiété de propositions qui pourraient être faites par certains membres de l’Alliance atlantique cette semaine.

Certains membres de l’OTAN sont pour une fermeture de l’espace aérien ukrainien

Réclamée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky dès le jeudi 3 mars, la fermeture complète de l’espace aérien ukrainien avait été écartée par les dirigeants de l’OTAN. Le président du Conseil européen, Charles Michel, avait alors expliqué ce refus de la manière suivante :

« parce que poser cet acte-là dans les circonstances actuelles sera considéré comme un acte de guerre de l’OTAN et donc un risque de troisième guerre mondiale. […] on doit  faire preuve de sang froid, on doit être intelligent, faire preuve de fermeté. Volodymyr Zelensky m’a dit que si on ne pouvait pas mettre en place une zone d’interdiction aérienne au-dessus de l’Ukraine, il fallait au minimum livrer des armes. »

Le président russe Vladimir Poutine considère depuis le début du conflit que la mise en place par tout pays d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine équivaudrait à « une participation au conflit armé ».

Selon le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, la position de l’OTAN sur cette question est la bonne et ne doit absolument pas évoluer, même si certains États membres de l’Alliance pensent qu’il serait bon de fermer l’espace aérien au-dessus de l’Ukraine. Viktor Orbán a tenu à rappeler que son pays était fermement opposé à cette mesure, « l’OTAN étant une alliance de défense » qui n’a pas vocation à mener des actions militaires en dehors des frontières des pays faisant partie de l’Alliance.

« La position de la Hongrie est claire : elle ne veut envoyer ni armes ni soldats en dehors des frontières de l’OTAN. »

Début mars, la position de Secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg était aussi claire sur cette question :

« Nous n’entrerons ni par le sol ni par les airs en Ukraine. Pour mettre en place une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine, il faudrait que nous y envoyions des avions de combat de l’OTAN, qui descendraient des avions russes pour sécuriser la zone d’exclusion. D’après nous, cette décision conduirait à la guerre totale en Europe, avec la participation de nombreux pays. »

Il semblerait que la France, l’Allemagne et les États-Unis soient également opposés à cette mesure lourde de conséquences, comme l’a confirmé le chancelier allemand Olaf Scholz la semaine dernière : « Nous sommes du même avis que le président américain Joe Biden et le président français Emmanuel Macron : il est possible d’éviter un conflit armé entre l’OTAN et la Russie. »

Les partenaires occidentaux de l’Alliance sont a priori d’accord pour ne pas bouger de cette position, mais les Pays baltes et la Pologne pourraient remettre sur la table cette mesure de zone d’exclusion aérienne pour plaider en sa faveur, lors de la réunion extraordinaire de l’OTAN du 24 mars à Bruxelles. Ces pays sont par ailleurs pour l’envoi d’une mission de maintien de la paix en Ukraine.

Pourquoi une telle mesure serait d’une gravité inouïe ?

Si l’OTAN venait à changer de doctrine sur la question de la zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine, cela consisterait un tournant majeur — et probablement irréversible — dans le conflit actuel.

Pour faire respecter une telle zone, il serait nécessaire d’entrer directement en conflit avec les forces aériennes russes ayant actuellement la supériorité au-dessus de l’Ukraine, ce qui se traduirait par des affrontements constants. Pour consolider cette zone d’exclusion, il faudrait aussi que les forces de l’OTAN frappent des installations présentes sur le sol biélorusse et russe, sans quoi il ne serait pas possible de faire perdurer la reprise en main du ciel ukrainien. Cela déboucherait sur une escalade du conflit et porterait les affrontements au-delà des frontières de l’Ukraine.

Dans un article intitulé « La zone d’exclusion aérienne et la guerre atomique humanitaire, bonnes intentions, mauvais résultats », publié le 23 mars sur le portail Neokohn, Robert C. Castel, expert en questions de sécurité basé en Israël, est revenu sur ce sujet et a fortement critiqué ceux se refusant de voir la contre-productivité et la portée dramatique qu’aurait cette mesure.

Selon lui, la situation actuelle se différencie de celles au cours desquelles des mesures d’exclusion aérienne avaient été prises par les Occidentaux : Balkans (1993-1995), Irak (1991-2003) et Libye (2011, 2018, 2019).

Castel précise qu’il est possible que les Russes réagissent à cette mesure d’exclusion aérienne en quittant l’espace aérien ukrainien, mais que cela reste très peu probable. Selon lui, il ne faut pas placer d’espoir dans une retraite aérienne russe suite à un simple coup de bluff de l’OTAN. Écartant ainsi la mise en place sans affrontement de la mesure d’exclusion aérienne, Castel égraine les autres scénarios, tous plus périlleux les uns que les autres. Cet expert pense d’ailleurs que cette mesure mènerait à renforcer politiquement la Russie dans ses positions, puisque Moscou y verrait une confirmation de sa conviction selon laquelle son intervention était nécessaire en raison de l’agressivité des Occidentaux en Ukraine. Une telle mesure pourrait donc, non pas décourager la Russie, mais la conforter dans son obstination.

Robert C. Castel explique dans son article qu’une zone d’exclusion aérienne veut en l’occurence dire un affrontement aérien total entre l’OTAN et la Russie, ce qui pourrait, en cas d’échec de l’OTAN à reprendre le contrôle du ciel ukrainien, aussi potentiellement donner des arguments à une mesure de fermeture du sol ukrainien. Autrement dit, en bout de course : une intervention au sol des troupes de l’OTAN.

Selon Castel, cette mesure, contrairement à ce que l’on pourrait penser, n’aurait pas un rôle de parapluie tactique de protection aérienne mais deviendrait un puissant outil offensif stratégique, en ce qu’elle jetterait les jalons d’une intervention au sol. Castel déclare que les objectifs humanitaires ne doivent pas empêcher d’appréhender le conflit actuel avec un « pragmatisme sceptique ».

Il conclut en expliquant que décider d’une fermeture de l’espace aérien au-dessus de l’Ukraine reviendrait à ouvertement déclarer la guerre à la Russie, ajoutant que tout ceux pensant le contraire ont perdu le sens des réalités.