Slovaquie/Hongrie – Les relations entre la Hongrie et son ancienne province de Haute Hongrie, devenue la Slovaquie, n’ont jamais été simples, la question récurrente de la très forte minorité hongroise dans le sud de la Slovaquie venant régulièrement saper toutes les tentatives, tant de Budapest que de Bratislava, pour améliorer un tant soit peu les choses. Depuis plusieurs mois, les différences d’approches du conflit russo-ukrainien – une divergence de point de vue existant par ailleurs également entre Budapest et Varsovie – ne sont pas vraiment de nature à faire baisser la tension entre ces deux pays riverains du Danube.
Ainsi, dans un entretien accordé le 15 octobre au quotidien polonais Rzeczpospolita, le nouveau ministre slovaque des Affaires étrangères, Rastislav Káčer (nommé le 13 septembre dernier), faisait état de sa vision peu consensuelle des relations entre la Hongrie d’aujourd’hui et ses anciens territoires d’hier fortement peuplés de Magyars :
« Les Hongrois ont un certain traumatisme à propos de Trianon. Les Slovaques, les Roumains, les habitants de Transcarpatie et de Voïvodine ont des raisons d’être légèrement paranoïaques.
Car si vous regardez le bureau du Premier ministre hongrois, vous y voyez une grande carte de la Hongrie historique. Il n’y a pas de cartes similaires dans le bureau du chancelier à Vienne ou à Berlin.
Nous avons droit à ce grain de paranoïa, notamment en raison de la rhétorique que nous entendons. Les frontières sont établies, nous nous tournons avec confiance vers l’avenir. J’ai travaillé dans un groupe de réflexion sur la sécurité, et pourtant je sais que nous devons également tenir compte de ces craintes, car parfois la paranoïa devient vérité. »
Par ces mots, le chef de la diplomatie slovaque sous-entendait de manière à peine voilée que la Hongrie pourrait sérieusement envisager de « récupérer » ses anciens territoires et, qui plus est, de la faire par la force. Des propos qui ont été bien évidemment fort peu appréciés à Budapest.
Ensuite, dans un nouvel entretien accordé ce 9 novembre au quotidien slovaque Dennik N et à sa version magyarophone Napunk, Rastislav Káčer est revenu sur ses propos du 15 octobre en estimant que ses détracteurs « n’avaient probablement pas lu l’entretien »… mais est revenu à la charge au sujet des divergences à propos de la guerre en Ukraine, en expliquant que
« les arguments que nous entendons de la part du gouvernement hongrois sont souvent les mêmes que ceux utilisés par la propagande du Kremlin dans sa guerre de l’information. »
M. Káčer a ensuite évoqué un malaise qui aurait été ressenti en Slovaquie à propos de la manière de présenter le Groupe de Visegrád :
« Le problème s’est posé lorsque la Hongrie a commencé à utiliser le V4 comme une sorte d’outil politique au sein de l’Union européenne vers 2014. « Nous sommes différents », « nous sommes une meilleure Europe »
[…] nous avons commencé à nous indigner du fait que les [pays du] V4 aient été dépeints comme un îlot d’altérité en Europe. Pour la Slovaquie et probablement aussi pour la République tchèque, le V4 est avant tout un instrument de coopération régionale, mais dans le sens où nous sommes intéressés par une Europe forte. »
Et de rappeler que
« la Hongrie, […] même avant la guerre, avait une attitude différente envers l’Ukraine; c’était le seul pays au sein de l’OTAN qui bloquait systématiquement le dialogue avec l’Ukraine. »
De son côté, le secrétaire d’État hongrois aux Affaires étrangères, Tamás Menczer, a réagi sur son compte Facebook « aux provocations constantes du ministre slovaque des Affaires étrangères » :
« Il a été démontré à de nombreuses reprises que Rastislav Káčer – en tant que dirigeant d’un groupe de réflexion, ambassadeur et ministre des Affaires étrangères – n’aimait pas les Hongrois. Nous le regrettons, mais nous en prenons note.
Cependant, nous ne céderons pas à ses provocations, nous préserverons la force de l’alliance V4, et Rastislav Káčer ne pourra pas la détruire.
Le gouvernement hongrois agit toujours en fonction des intérêts hongrois, nous sommes du côté de la paix, nous voulons un cessez-le-feu immédiat et la paix, même si cela ne plaît pas à Rastislav Káčer. »