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La démocratie à l’épreuve du Covid-19 : résultats contrastés

Temps de lecture : 6 minutes

Europe – Si les tests censés révéler sa présence ne semblent pas tous fiables, le Covid-19 est, lui, un révélateur infaillible de l’état de démocratie et de souveraineté (deux notions qui ne devraient jamais être séparées) des diverses sociétés.

En France, Emmanuel Macron, l’un des présidents les plus mal élu de la Ve République, traite – tout naturellement – ses concitoyens en ennemis, les soumettant à une persécution policière inédite en temps de paix dans l’histoire de France.

En Hongrie, où le gouvernement en place est celui qui s’appuie sur la majorité électorale la plus large de l’UE, le confinement très modéré actuellement imposé semble pour l’instant encore correspondre aux vœux d’une partie de la population, victime de l’épidémie de panique qui s’est propagée parallèlement à celle du Covid-19 proprement dit. Tout un chacun peu sortir de chez soi à toute heure, sans justificatif ou surveillance électronique, et les contrôles sont rarissimes. La police, en pratique, ne sanctionne que les attroupements sur la voie publique ; au moment où j’écris, on totalisait un peu plus de 5 000 verbalisations dans ce pays de dix millions d’habitants, depuis la mise en place des restrictions. Sans la fermeture des établissements de restauration et l’obligation (un peu moins compréhensible, il est vrai) faites aux autres commerces non-alimentaires de fermer à 15h, la vie serait pratiquement normale.

Néanmoins, la vision irrationnelle du Covid-19 et du « combat contre le virus » propagée par le gourou Neil Ferguson – et, plus généralement, par le lobby pharmaceutique – inspirant des doutes à de plus en plus de Hongrois, les déclarations – d’experts et de citoyens – hostiles au confinement se multiplient, et le gouvernement, toujours à l’écoute du public, semble amorcer un rétropédalage. Viktor Orbán a ainsi récemment annoncé s’attendre à « un pic vers le 3 mai », alors que le pic était jusqu’alors annoncé pour début juillet. Comme on voit assez mal, dans la statistique (de toute façon ridiculement basse) des infections et des décès en Hongrie, ce qui pourrait scientifiquement justifier une telle prévision, il y a fort à parier que, bien que mal conseillé en la matière selon moi, le premier ministre hongrois prévoit déjà d’écourter ces festivités de la Déesse Panique, qui coûtent fort cher à son pays, comme aux autres…

La vie est, semble-t-il, complètement normale en Suède, pays qui a choisi de faire confiance à ses citoyens, de ne pas mettre en œuvre de confinement et n’a au final pris que quelques mesures limitées. Et, en dépit des annonces alarmistes multipliées çà et là (et notamment… dans la presse pro-gouvernementale hongroise, qui a des comptes à régler avec la Scandinavie), la situation suédoise, telle que la reflètent des chiffres communément acceptés, n’a rien de catastrophique. Au moment où j’écris, ce pays qui, en longévité masculine, surclasse la France de 1,3 ans (et la Hongrie de 7,8…), compte, au million d’habitant, deux fois moins de décès « liés au Covid » que la France. Quant à d’éventuelles comparaisons Est-Ouest, j’ai exposé ailleurs les raisons (notamment de longévité) qui font que les comparaisons sont peu pertinentes.

En l’occurrence, la compréhension de la situation impose de retirer les filtres idéologiques : on peut ne pas se sentir attiré par certains aspects (multiculturalité, LGBT etc.) du projet néo-socio-démocrate suédois, il faut pourtant bien reconnaître que ce projet, sans faire l’unanimité, suscite l’adhésion d’une majorité sociale dans la société scandinave (y compris « de souche ») ; il serait donc faux de dire que les élites suédoises « imposent » l’immigration ou le féminisme à leur population, comme leurs acolytes méridionaux l’imposent à des peuples latins qui n’en veulent pas. Les rhéteurs du FIDESZ ont donc, pour une fois, bien tort de s’acharner sur la Suède, et feraient mieux de reconnaître qu’en l’occurrence, Hongrie et Suède se trouvent du même côté de la barricade : celui des pays qui n’ont pas tiré de la crise du Covid-19 le prétexte à l’instauration d’une dictature.

En Roumanie, où depuis quelques temps les élections sont devenues des rituels soviétoïdes destinés à consacrer les choix préalablement faits par l’État profond des « services secrets », c’est bien entendu la « recette française » qui a été adoptée. Mais, dans cet État para-colonial qui a pris l’habitude d’importer la prise de décision (de Bruxelles, de Berlin, de Washington…) en même temps qu’il exportait une bonne partie de sa population, avec le rétablissement de facto des souverainetés par le grand chacun-pour-soi mondial du Covid-19, le retrait de la vague a surpris les élites roumaines dans leur plus simple appareil. Pratiquement dénuée de véritables décideurs politiques (le dernier qui aurait pu mériter ce nom, Liviu Dragnea, est toujours incarcéré), la Roumanie a donc laissé le volant à son appareil sécuritaire, lequel, à défaut d’intelligence et d’idées, a au moins quelques réflexes autoritaires bien brutaux.

Ainsi, dès le début du confinement, la Roumanie a activé l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme, permettant de suspendre sa responsabilité devant la Cour de Justice de l’UE, pour tout agissement ne relevant pas du crime contre l’humanité. Et, à la différence de la Lettonie (seul autre pays à avoir activé l’article 15), la Roumanie n’a pas précisé quel type de mesures elle souhaitait soustraire au jugement de la Haute Cour européenne. Il est vrai que la Roumanie ne s’est, en réalité, jamais trop embarrassée des décisions de ladite cour, se contentant, année après année, de payer des dédommagements salés (qu’elle considère, de toute évidence, comme l’équivalent bruxellois du bir qu’elle payait jadis au Sultan), et de reproduire les mêmes agissements dès l’année suivante. L’activation de l’article 15 suggère donc clairement qu’elle se préparait, dès les premiers jours de la crise, à piétiner les droits de l’homme dans de telles proportions que l’éventualité d’un dédommagement dépasserait nettement ses capacités budgétaires.

À peu près au même moment, le gouvernement roumain actuel – formé de façon anticonstitutionnelle – a commencé à gouverner – là aussi de façon probablement anticonstitutionnelle – par décrets militaires (alors qu’il est, bien entendu, constitué… de civils). Le 19 avril, enfin, le ministre de la santé du gouvernement de Ludovic Orban déclarait qu’il n’excluait pas, en réaction à l’indiscipline de ses concitoyens, de faire déménager de force tous les plus de 65 ans (plusieurs millions de personnes) dans des centres de quarantaine aménagés ad hoc, par exemple dans des hôtels réquisitionnés (abstraction faite de la capacité hôtelière totale du pays, qui n’est probablement pas à la hauteur d’une pareille folie). Un peu éberluante vue de l’extérieur, cette déclaration s’inscrit dans la droite ligne de l’esprit des gouvernements roumains des trente dernières années : une logique néo-bolchévique (paradoxalement surtout appliquée par la droite roumaine), consistant à expliquer, décennie après décennie, à un peuple d’arriérés qu’ils méprisent, que les politiques qu’ils lui imposent sont les bonnes, « les mènent vers l’Europe », donc vers le salut – pendant qu’un quart de la population s’exile, que l’espérance de vie recule, que la lèpre réapparaît et que les trains roulent moins vite que sous l’Empire austro-hongrois.

On peut donc raisonnablement affirmer que toutes les accusations de suppression de la démocratie formulées par la presse mondialiste au cours des dernières semaines contre la Hongrie, parfaitement fausses dans le cas de Budapest (où le Parlement siège toujours, et où le mandat exceptionnel du gouvernement est soumis à des restrictions de compétence matérielle), sont en revanche parfaitement vraies de Bucarest. Le tout, bien entendu, au milieu d’un silence assourdissant de la presse occidentale – en dépit des inquiétudes exprimées même par certains activistes et organes de presse roumanophones libéraux, qu’on peut difficilement soupçonner d’euroscepticisme, comme le juge Cristi Danileț et la rédaction roumaine de Radio Free Europe (qui s’étaient, notamment, illustrés lors des campagnes d’une rare férocité jadis menées contre les « appétits dictatoriaux » et la « corruption » de Liviu Dragnea).

En infligeant des amendes pouvant, dans le pire des cas, dépasser l’équivalent de 4 000€ à des particuliers (dont le salaire moyen était d’environ 1 080€ en février), le gouvernement roumain, déjà survolé par les vautours du FMI, cherche-t-il à renflouer ses caisses ? Ce serait là une explication presque rassurante, au vu des hypothèses que suggèrent d’autres agissements du même gouvernement. On peut en effet se demander ce qui – en dehors du mépris de classe et d’une haine anti-religieuse inscrite dans l’ADN de l’État roumain moderne – a bien pu pousser les dirigeants roumains à persécuter, en cette période d’ennui imposé, les deux sorties préférées des roumains, qui sont la pratique religieuse (notamment lors des célébrations de la Pâque orthodoxe) et le barbecue à l’air libre ? Les images de drones repérant de nuit des roumains clandestinement sortis dans les champs pour une grillade nocturne ont fait le tour d’Internet. Et, dans le cadre de persécutions anti-chrétiennes évoquant l’époque des catacombes, en dépit de l’expérience bulgare et géorgienne (pays où l’Église – là aussi orthodoxe – a réussi à adapter ses pratiques aux recommandations de l’OMS), la Roumanie du luthérien athée Klaus Iohannis a bouclé les églises, tolérant seulement la transmission du feu pascal de foyer en foyer sous surveillance policière. Tuteur historique de la jeune nation roumaine, l’Église Orthodoxe Roumaine, victime d’une hiérarchie trop « bien intégrée » à l’Etat profond roumain dès l’époque de N. Ceauşescu, a raté cette occasion historique de s’opposer à un État laïque historiquement moins légitime qu’elle, et de retrouver son rôle de porte-parole et de guide des masses populaires. Tout comme elle avait, un an et demi plus tôt, raté une autre occasion historique de recouvrer son leadership, au moment du référendum raté sur la famille.

Klaus Iohannis cherche-t-il, comme – d’après certains – Macron le faisait récemment face aux Gilets jaunes, à pousser le peuple à la violence, dans l’espoir de pouvoir, une fois la psychose Covid-19 retombée, pérenniser une dictature policière en remplaçant la « menace du Covid » (451 victimes roumaines en tout au moment où j’écris…) par une menace de sédition des « classes dangereuses », bien entendu inspirées par la « propagande russe » ? Si tel était le cas, son pari pourrait bien être gagné. Dans ce pays présentant les inégalités les plus profondes de l’UE, ce sont bien entendu les marges qui s’enflamment en premier ; souvent fraîchement revenu de pays d’expatriation informelle où il travaillait au noir, le lumpenprolétariat roumain, très peu pris en charge par les filets d’un État-providence anémique (le plus sous-financé d’Europe), commence à voir le spectre du dénuement au bout de ce tunnel d’inactivité forcée. En conséquence, dans divers quartiers populaires de la périphérie des villes roumaines, les attroupements publics illégaux se multiplient, et les patrouilles venues les disperser sont, de plus en plus souvent, accueillies par des jets de pierre, qui les obligent parfois à la retraite. Des tirs de sommation ont déjà été signalés. Jusqu’où ira la junte de Bucarest pour liquider le simulacre démocratique qu’elle entretenait encore en février ? Nous risquons de l’apprendre assez vite.