Ukraine/Hongrie – Le meilleur moyen de trouver un terrain d’entente est bien souvent tout simplement… de se parler. C’est probablement – après des mois de brouille entre Kiev et Budapest – ce qui a poussé le président ukrainien, ce mardi 21 juin, à passer un coup de fil au Premier ministre hongrois pour renouer le dialogue.
Intégration européenne, réfugiés et coopération
Selon les déclarations à la presse du secrétaire d’État adjoint chargé du bureau de presse du Premier ministre hongrois, Bertalan Havasi, les deux hommes d’État se sont alors entretenus sur l’intégration européenne de l’Ukraine, l’accueil des réfugiés ukrainiens ainsi que la coopération entre les deux pays dans d’autres domaines. Ainsi,
cette conversation a été l’occasion pour Viktor Orbán de réitérer le soutien de la Hongrie à l’octroi à l’Ukraine du statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne,
de rappeler que la Hongrie avait accueilli pas moins de 800 000 réfugiés ukrainiens et que les autorités de Budapest étaient prêtes à poursuivre la coopération avec leurs homologues de Kiev, notamment dans le domaine énergétique et l’exportation de céréales ukrainiennes – les ports de la mer Noire étant actuellement bloqués en raison de la guerre, et la Hongrie étant voisine de l’Ukraine.
« Une conversation fructueuse »
De son côté, Volodymyr Zelensky a remercié le peuple hongrois pour son aide aux Ukrainiens et s’est félicité de sa conversation fructueuse avec Viktor Orbán :
« J’ai eu une conversation fructueuse avec le Premier ministre hongrois Viktor Orbán. [Je l’ai] remercié pour le soutien à la souveraineté ukrainienne et pour l’accueil des Ukrainiens [fuyant] la guerre.
[Nous avons] convenu de développer la coopération dans le secteur de l’énergie. [J’ai exprimé ma] reconnaissance pour le soutien au statut de candidat pour l’Ukraine. [Et je] l’ai invité à venir en Ukraine ».
Pour le moment, le bureau du Premier ministre n’a pas encore précisé si, et le cas échéant quand, Viktor Orbán répondrait favorablement à l’invitation de Volodymyr Zelensky de se rendre à Kiev.
Changement d’attitude de la part de Kiev
Alors que l’aide internationale envers l’Ukraine se tarit, que l’Allemagne tarde à faire parvenir le matériel militaire promis et que même le président des États-Unis Joe Biden a déclaré que l’Ukraine aurait sans doute à renoncer à des pans entiers de son territoire à l’issue du conflit, les autorités ukrainiennes semblent changer également leur positionnement stratégique, en tout cas vis-à-vis de leur voisin hongrois. Au début du conflit, les prises de position du gouvernement hongrois ont provoqué l’ire de Zelensky, qui n’a pas hésité à pointer du doigt Viktor Orbán, tandis que dans les forums internationaux la Hongrie n’était jamais remerciée par l’Ukraine malgré l’aide portée à ses réfugiés. Cela a même conduit à des échanges acerbes entre haut responsables hongrois et ukrainiens [voir le premier paragraphe de la section Hongrie dans notre résume hebdomadaire du 6 au 12 juin, ndlr].
Alors en pleine campagne électorale, Viktor Orbán a clairement dit choisir « la sécurité et la paix » pour la Hongrie, impliquant de ne pas prendre part, même indirectement, dans le conflit russo-ukrainien – d’où le refus de livrer des armes qu’il disait d’ailleurs ne pas avoir, l’armée hongroise étant sous-équipée. Mais c’est surtout la défense stricte des intérêts énergétiques nationaux qui a mis la Hongrie sur le banc des accusés une nouvelle fois au niveau européen, ou plutôt, occidental.
Pour préserver l’économie hongroise en période de crise économique majeure – l’inflation atteignant déjà des sommets – Viktor Orbán a bloquer tous les plans de l’UE sur le pétrole et le gaz jusqu’à avoir une dérogation pour la Hongrie, dépendante de longue date aux énergies fossiles russes.
Nouveau membre du groupe parlementaire progressiste ALDE au niveau européen – devenant un allié politique d’Emmanuel Macron – le parti de Volodymyr Zelensky a dans un premier temps tiré sur l’ambulance hongroise. Stratégie de complaisance avec ses alliés occidentaux, prompts à vilipender la bête noire Orbán pour gagner des faveurs et donner un gage d’européanité ? Quoiqu’il en soit, la stratégie de « la Hongrie d’abord » a non seulement payé électoralement pour Viktor Orbán début avril, mais semble aujourd’hui porter ses fruits dans la dialogue avec l’Ukraine. En ayant tenu bon sur la défense de ses intérêts nationaux, Viktor Orbán semble en récolter les fruits en ce début d’été dans le difficile dialogue avec son voisin oriental.